Marie de Gournay, éditrice de l’ombre de Montaigne

Article écrit dans le cadre de la Women’s Rights Week d’emlyon business school

Si l’œuvre de Montaigne et son amitié avec La Boétie sont bien connues, le personnage de Marie de Gournay, en charge de la 3ème édition des Essais, l’est beaucoup moins. Pourtant, Marie de Gournay est l’une des premières femmes à avoir su vivre de sa plume. À l’image d’Émilie du Châtelet plusieurs siècles plus tard, cette femme savante a marqué sa génération. Découvrons-en davantage sur ce personnage remarquable … 

Marie de Gournay, une figure de l’ombre

Michel de Montaigne, l’auteur des Essais

Marie de Gournay était une femme de lettres née en 1565. Sa mère se souciant peu des dispositions intellectuelles de sa fille, celle-ci apprend en autodidacte le latin et le grec et se plonge dans les livres. À 18 ans, elle découvre Les Essais de Montaigne : c’est un coup de foudre intellectuel. Elle est transportée d’admiration !  Ils se rencontrent alors qu’elle a 23 ans et se lient d’amitié. Le philosophe la chargera, preuve ultime de confiance, d’éditer l’édition posthume de son oeuvre. 

Ainsi, Marie de Gournay a eu un destin particulièrement impressionnant pour son époque. C’était une véritable femme savante qui a pu choisir de vivre de ses écrits et l’une des seules femmes éditrices de sa génération …  Éditer les Essais de Montaigne a demandé un travail colossal de traduction des citations latines, mais aussi d’annotations, de précision des références… tâche qu’elle a su relever avec succès.

Marie, Montaigne et La Boétie : les multiples facettes de l’amitié

Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi.  

Michel de Montaigne, Chapitre sur l’Amitié (Livre I des Essais)

Marie de Gournay a ainsi été chargée d’une mission capitale par le célèbre philosophe. Dès lors, si Michel de Montaigne est davantage connu pour son amitié avec La Boétie, celui-ci considérait également Marie de Gournay comme une amie irremplaçable, au point de l’appeler « sa fille d’alliance » . Comment définir cette amitié ?

Dans le Chapitre sur l’Amitié (Chapitre 28 du Livre 1), Montaigne décrit en ces mots l’amitié qui le lie à La Boétie ; « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »  En effet, si Montaigne ne peut mettre des mots sur les causes de leur amitié, c’est que celle-ci est bien surprenante ! Tout les opposait : quand Montaigne était un Royaliste chrétien, La Boétie est le précurseur intellectuel de l’anarchisme et la désobéissance civile. 

Finalement, l’amitié qui le liait à Marie de Gournay l’était tout autant. Tout d’abord, il faut rappeler l’écart générationnel : ils avaient tout de même 32 ans d’écart ! Mais on peut également parler de leurs divergences d’idées sur de nombreux sujets. Ce qui les liait finalement, c’était bel et bien une connivence intellectuelle, génératrice d’une admiration mutuelle rare.

Marie de Gournay, un combat pour la féminisation du langage

Cette autrice ne se définit cependant pas uniquement par cette belle amitié. Il ne faut pas oublier à quel point Marie de Gournay a lutté pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans un de ses pamphlets virulents, Le Grief des dames, on peut lire ses idées novatrices sur l’égalité entre les sexes et le droit pour les femmes d’accéder au savoir.

De plus, si l’on pense souvent que les questions de féminisation du langage sont éminemment actuelles, Marie de Gournay se battait déjà pour cette cause. Elle est la contemporaine de Malherbe, qui a lutté pour l’effacement progressif du féminin au nom de la simplification du français. 

Ainsi, si l’amitié de Montaigne et Marie de Gournay est bien peu célèbre, l’union amicale qui unissait ces deux personnes de lettres semble exceptionnelle et se lit encore aujourd’hui dans l’oeuvre capitale que sont Les Essais.

Adèle CLIQUETEUX

 

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